1. Inégalités, relations inter-ethniques
Élise Lemercier et Élise Palomares continuent d’alimenter la réflexion commune au sein du laboratoire sur les dynamiques sociales complexes qui recomposent un ordre social inégalitaire français sans cesse en mouvement. Pour ce faire, les recherches menées dans une perspective intersectionnelle se centrent sur le rôle structurant de l’action publique et des institutions qui contribue à créer, affaiblir ou renforcer les inégalités.
A la suite des projets de recherche que nous avons coordonné sur la situation singulière de l’île de Mayotte depuis sa départementalisation intervenue en 2011, nous poursuivrons la réflexion sur les territoires qui sont restés rattachés à la République française après les indépendances. En particulier, la question du rapport ordinaire à l’Etat et aux politiques publiques que développent les populations anciennement colonisées et racisées, désormais reconnues comme des citoyennes et des citoyens nationaux, est au cœur des réflexions collectives que nous avons développées. Nous allons aussi continuer à explorer les relations entre les gens d’ici et les gens d’ailleurs (originaires de métropole, de continent africain ou des îles voisines devenus indépendantes) et leur gestion politique locale.
Partant du constat que les territoires français sont insérés dans des espaces de gouvernances pluriels dans le Pacifique, l’Océan Indien occidental et les Amériques, nous projetons de travailler ces prochaines années sur un projet de comparaison internationale centré sur les questions d’intégration régionale, de gouvernance et de souveraineté, autour de deux enjeux majeurs et interdépendants : les ressources naturelles et les circulations migratoires. Là aussi à la croisée des axes Inégalités et action publique et Étude de Genre, nous approfondirons en particulier un aspect saillant de ces circulations migratoires et de leur gestion politique dans la sous-région : les échanges économico-sexuels transfrontaliers.
Inscrits dans cette dynamique collective de recherche, deux projets de thèse commenceront à la rentrée 2020. Le projet de thèse de sociologie de l’action publique de Mme Mégane Aussedat financé par une CIFRE commencera le 1 octobre 2020. Mme Aussedat entreprend une comparaison originale entre deux projets de rénovation urbaine ciblant des zones d’habitat informel : les bidonvilles, à Mayotte ; les grandes copropriétés dégradées, à Marseille. Ce projet interroge en particulier l’impact de ces politiques urbaines localisées sur la position marginalisée des Comorien·nes dans ces espaces. Co-direction : Elise Palomares (75%), Mme Valérie Sala Pala (25%), Professeure des Universités, Université Jean Monnet de Saint-Etienne, laboratoire Triangle (UMR 5206).
Titulaire d’un Master 2 d’histoire de l’Université de Paris Nanterre/ISP, Mme Elodie Auzole, actuellement coordinatrice programme Réunion pour Médecin du Monde, a construit un projet de thèse visant à étudier poursuivre l’étude des relations entre musulman·es comorien·nes et musulman·es réunionnais·es à La Réunion. Co-encadrement : Mme Marie-Annick Lamy-Giner, MCF en géographie à l’Université de la Réunion.
En outre, Élise Lemercier poursuivra son fil sur les frontières institutionnelles dans la prise en charge des personnes ciblées par les politiques sociales. Pour cela, elle s’appuiera sur son engagement dans deux réseaux de recherche dont elle est co-responsable (AFS RT 40 Institutions et CR 34 AISLF Politiques et intervention sociales). Elle participe ainsi à une recherche collective sur les processus de judiciarisation des publics du travail social, dans le cadre d’un financement de partenariat de 7 ans par le CRSH du Canada, porté notamment par Céline Bellot (université de Montréal) et Marie-Ève Sylvestre (université d’Ottawa). NB : suite du colloque EJUNI et projet de publication d’un numéro spécial de la Revue française des affaires sociales
Deux thèses s’inscrivent dans ce champ de questionnement :
- Celle de Chloé Bussi, dirigé par Danièle Carricaburu et co-encadré par Élise Lemercier, L’hébergement social à l’épreuve de la sanitarisation. Enjeux, négociations et pratiques professionnelles (2018-)
- Celle de Lucy Joly (dirigée par Élise Palomares et co-encadrée par Élise Lemercier) « Traiter les violences de genre par la décohabitation. Une enquête ethnographique au croisement des expériences des femmes victimes et de leur prise en charge. » reposera sur une double entrée : par la prise en charge mise en œuvre concrètement (droit commun du logement et spécialisée pour les victimes de violences conjugales) et par les parcours biographiques de femmes rencontrées grâce aux associations d’aide aux victimes et collectifs féministes.
2. Inégalités, actions et politiques publiques
Violaine Girard poursuit le travail déjà engagé sur l’état de l’habitat, articulant action publique, logement, inégalités et intersectionnalité : L’État de l’habitat. Une sociologie des catégorisations à l’œuvre dans les politiques du logement.
Il s’agit d’un projet mené dans le cadre d’un accueil en délégation sur l’année universitaire 2019-2020 à l’Ined, dans l’Unité de recherche Logement, inégalités spatiales et trajectoires et qui trouvera ses développements ensuite. Dans le sillage de travaux récents sur la fabrique des publics cibles des politiques sociales, il porte sur la façon dont différentes propriétés sociales sont catégorisées et prises (ou non) en compte au sein des services de l’État en charge des politiques du logement. L’objectif est double : étudier les changements à l’œuvre à la suite d’évolutions législatives récentes (lois ALUR et ELAN), et, plus fondamentalement, contribuer à la compréhension des inégalités de logement en plaçant au cœur de l’analyse la question des catégorisations à l’œuvre dans les dispositifs publics.
Stéphanie Boujut porte également son intérêt aux inégalités d’accès au logement, de précarité résidentielle. Dans le cadre du projet phare de l’INED, de 2018, sous la direction de Pascale Dietrich-Ragon, étude collective regroupant chercheurs et enseignants-chercheurs qui étudient des populations rencontrant des problèmes de logement ou se tenant à l’écart du logement ordinaire. Ils s’intéressent à la privation de domicile, à l’hébergement à l’hôtel ou en foyer, en structure d’urgence ou chez un tiers, ou encore à l’occupation d’un habitat marginal (tente, cabane, caravane…). Plusieurs travaux s’intéressent à l’effet de l’âge sur l’insécurité résidentielle et abordent le cas spécifique des jeunes qui font partie des premières victimes de la crise économique et du « logement cher ». Des études portent ainsi sur les jeunes placés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), les étudiants issus de catégories populaires cherchant un logement ou encore les diplômés du supérieur ayant connu une trajectoire de déclassement.
Par ailleurs, Frédéric Neyrat interroge également la question des normes tout en la croisant avec celle des inégalités et du genre dans un projet d’analyse des mobilisations politiques des gilets jaunes : La socialisation politique par la mobilisation de rue : le cas des Gilets Jaunes (2020-2023). Dans le prolongement du travail collectif mené depuis novembre 2018 sur la mobilisation des Gilets Jaunes, coordonné par Magali Della Sudda, Camille Bedock et Tinette Schnatterer, une ANR va être déposée impliquant des chercheurs en sociologie, science politique, géographie de Bordeaux, Lyon, Toulouse, Caen… Il l’aborde avec les chercheurs bordelais sous l’angle de la (re)politisation d’individus qui se tenaient souvent jusque-là à l’écart du champ politique. L’idée est de voir l’influence dans la durée de la mobilisation « Gilets Jaunes » chez ceux qui y ont participé en interrogeant l’évolution des registres de revendication et également, en lien avec la recherche précédemment évoquée sur les municipales, l’articulation possible entre la mobilisation de rue et la participation électorale (ou comment la mobilisation non conventionnelle peut générer un retour à la participation politique conventionnelle. Dans ces trajectoires de socialisation politique « accélérée », une attention particulière sera accordée à la dimension du genre, la participation forte des femmes étant une dimension singulière de la mobilisation des « Gilets Jaunes »